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19/02/2007

Musique contemporaine ou la tradition au futur

Une polémique… une prétention…
ou la simple recherche d’une définition et d’un positionnement dans le monde actuel de la musique

Le nom de musique contemporaine est donné, seul et à part entière, à la production actuelle d’une musique, communément appelée musique classique, qui évolue au sein de l’occident et dont les origines s’identifient avec les premiers chants de l’église chrétienne, eux-mêmes issus de trois grandes traditions : celles orales du monde celtico-gaulois et du monde judéo-chrétien, et celle, pour laquelle l’écrit est déjà présent, du monde gréco-romain.

Il ne faut ainsi pas la confondre avec les musiques actuelles, au même titre que la peinture en bâtiment, la peinture pour touristes, la peinture d’agrément, la copie d’œuvres, le tag, la « peinture du dimanche » etc. toutes ces peintures qui, bien qu’actuelles, sont séparées de La Peinture contemporaine en dénominations et en réalités. De là les histoires de La Musique, comme les histoires de L’Art, ne traitant que de la musique classique.

Une distinction entre les musiques et la musique classique doit principalement être cherchée dans la continuelle volonté d’émancipation de cette dernière par rapport aux critères de « beau », aux contraintes religieuse, festive, traditionnelle, trivialement corporelle et maintenant commerciale, qui permet de ne s’attacher qu’à la recherche pure. Et cela passe nécessairement par l’écriture : seul moyen de transmettre et de reproduire fidèlement la musique imaginée, mais surtout de la construire consciemment et ainsi d’aboutir à des développements élaborés du discours et d’atteindre de grandes formes (ou la quintessence des petites formes) ; l’oralité, et actuellement l’utilisation de la machine sans réflexion préalable sur papier, n’entraînant qu’une création par empirisme. Ainsi, sans élaborer de plan, l’architecte pourrait-il bâtir une maisonnette mais point un édifice.

On donne aussi à cette musique le terme de musique savante.

Il faut, afin de comprendre plus en profondeur le sens de cette expression, expliquer que le compositeur écrit « à la table ». Ce qui veut dire qu’il construit et imagine sa musique d’après ses acquis théoriques et émotionnels, et non exclusivement pratiques. Or, la musique à laquelle il se réfère, avec ces siècles d’histoire, d’évolution du langage, de la notation, du parc instrumental, etc. implique des connaissances nombreuses.

Spécifions alors un peu le parcours scolaire du compositeur de musique classique. A ce stade, remarquons aussi que le conservatoire est là pour enseigner la musique et non le divertissement au même titre que l’école et ses disciplines scolaires.

Tout d’abord, dix ans de solfège sont nécessaires afin de connaître la théorie et de savoir lire quasiment toutes les partitions (rythmes, notes dans les 7 clés et notations diverses), transcrire ce que l’on entend (dans et hors de sa tête) et entendre ce que l’on lit.

Cette grammaire assimilée, il faut suivre d’autres classes.

Trois années (minimum) pour les cours d’histoire de la musique et d’analyse écrite et auditive, afin de pouvoir reconnaître globalement, dans ce que l’on lit ou que l’on entend, les constructions, les formes, le sens des phrases, le style, l’époque etc. puis de s’en faire un commentaire esthétique afin d’en sentir la poésie. On sait dès lors lire, entendre, situer et surtout comprendre une partition ; l’oreille est formée à l’écoute des subtilités sonores et ne se satisfait plus de la simplicité. Confondrions-nous films commerciaux et films d’art et essai ?!

Reste à composer en usant de ce souci du détail, de la pertinence de chaque note, ou aujourd’hui des matières sonores, de l’enchaînement des idées, etc. Pour cela, quatre années (minimum) d’écriture (harmonie et contrepoint) nous attendent pour savoir poser les notes dans le style de nos aïeux des XVIII et XIXe siècles des années de plus (pour les plus érudits d’entre nous) pour écrire dans leur style et pour apprendre les époques antérieures au XVIIIe siècle et le début du XXe siècle. Il faut ensuite connaître les instruments de l’orchestre : leur sonorité, s’ils sont transpositeurs, les notes qu’ils peuvent jouer, les sons non traditionnels qu’ils peuvent produire, comment écrire pour eux (instrumentation) et la manière de les combiner (orchestration).

Il est ici important de préciser que le compositeur ne doit pas savoir et ne sait pas forcement jouer des instruments pour lesquels il écrit … ou généralement, s’il pratique l’un d’eux, en joue-t-il souvent moins bien que les instrumentistes. Comme l’ingénieur, voulant réaliser une certaine forme de pièce, connaît les machines et la manière dont il faut les utiliser mais ne sait pas s’en servir, le compositeur écrit pour des instruments grâce au savoir théorique et auditif qu’il a emmagasiné. Si ce qu’il souhaite entendre n’a encore jamais été expérimenté, ou s’il rencontre pour la première fois un instrument (extra-européen ou folklorique), il va alors voir l’instrumentiste afin de travailler avec lui. Il apprend ainsi ce que l’on peut obtenir de l’instrument et en cherche de nouvelles utilisations. Ensuite, sa mémoire, sa technique et son imagination seules le guideront dans l’écriture de la partition; il sera libre d’inventer grâce à l’abstraction instrumentale.

Le compositeur de musique classique a en effet cet avantage (comme le metteur en scène) de ne pas être le « réalisateur » de sa création, il n’est ainsi pas limité par une pratique instrumentale… pas conditionné par ce qu’il ne saurait qu’exécuter.

Enfin, comme pour la peinture, on apprend les techniques de composition mais pas a être compositeur. Un maître, et les années plus ou moins longues passées avec lui, ne servent qu’à amener l’élève, qui compose déjà, vers un langage personnel. Les plus modernes se retrouvent alors dans le domaine expérimental en concevant des expressions nouvelles; les post-modernes essaient d’épuiser le matériau donné par le passé en l’éclairant sous d’autres angles.

Ce n’est qu’avec l’acquisition d’une telle somme de connaissances, d’où le terme de discipline savante, que la musique classique se crée, évolue et aboutit à un langage inévitablement très riche. Pour faire des découvertes un astrophysicien doit connaître les anciennes théories comme celle de Galilée : « et pourtant elle terre tourne ». Actuellement, cette ignorance pour un scientifique ne vous ferait-elle pas froid dans le dos ?

La distinction entre la musique contemporaine et les musiques actuelles se fait aussi sur l’universalité et l’intemporalité (le non besoin d’actualité pour exister) de la réalisation : telle la différence entre la recherche fondamentale et la production industrielle.

Le XXe siècle, avec ses grandes possibilités de communication, a permis aux compositeurs de prendre connaissance de la plupart des langages extra-occidentaux et d’ouvrir encore plus de voies aux quêtes de nouvelles expressions. De même, la technique et la science ont permis, grâce aux fixations sur support audio et à l’utilisation de l’électronique, un travail sur le son lui-même.

La musique contemporaine se décompose en musique instrumentale (et vocale), où seuls les instruments jouent, musique électroacoustique, où seul un support audio construit avec l’ordinateur est diffusé, et musique mixte où les deux se mêlent par des procédés de superposition et /ou de transformation du son des instruments en temps réel. Dans un sens plus spontané des recherches sur le sonore, et bien que moins construite, elle peut aussi prendre les formes de musique expérimentale et de musique contemporaine improvisée, toutes deux aussi affranchies et en recherche de complexités (dans le sens de : qui contient, qui réunit plusieurs éléments différents et non le sens courant et abusif de: difficile à comprendre).

Ludovic Laurent-Testoris

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